L’ABBAYE
Du vieux monastère bénédictin fondé au temps de Guillaume le Conquérant et enfermé dans sa vingtaine d’hectares ceinturés de murs, il ne reste pas grand chose vers 1890: la Révolution est passée par là, destructrice. Il n’y a plus de cloître, plus de bâtiments monastiques; l’abbatiale est réduite à la base des murs médiévaux et à celle des piliers, et elle sert de jardins promenoir et de cimetière aux frères enseignants, les Frères de la Miséricorde, qui se sont installés sur le domaine de l’Abbaye en 1844. Restent les portes médiévales et la maison que Mgr de Carbonnel de Canisy avait fait édifier pour sa retraite vers 1700, et que les frères transformèrent en classes et en pensionnat. Restaient aussi le jardin à la française du temps de Mgr de Talaru, le dernier abbé avant la Révolution, et le moulin alimenté par les eaux de la Durance et de l’étang, avant que la vapeur ne vienne en actionner les mécanismes.
En
1892, les frères qui enseignaient dans une vingtaine d’écoles et
d’orphelinats dans la Manche, mais aussi dans les Deux-Sèvres et dans la
région parisienne, voulurent donner à l’Abbaye de Montebourg l’aura
d’une Maison-Mère de Congrégation religieuse et décidèrent, malgré les
temps troublés de lutte anti-religieuse, de reconstruire l’église
abbatiale, à partir de son plan et de ses vestiges, dans le style de ses
origines, le style roman normand en utilisant comme exemple l’abbatiale
Saint-Georges de Boscherville près de Rouen, qui datait de la même
période que l’abbatiale montebourgeoise.
En
1903, les frères furent expulsés, le gouvernement ayant refusé de
confirmer la reconnaissance officielle que la Congrégation avait obtenue
sous le Second Empire. Le domaine fut racheté in extremis par un groupe
de Montebourgeois dont le plus déterminé était Edme Le Saché qui se
retrouva en prison pour s’être opposé à la mise sous séquestre des biens
des frères. L’Abbaye fut alors confiée au diocèse de Coutances qui y
fonda une école normale libre pour la formation d’institutrices, avec
des classes auxquelles s’inscrivirent nombre de petites filles de
Montebourg.
En
1922, la communauté des frères de Montebourg rentra à l’Abbaye, mais
affaiblie, sans recrutement. Courageusement, les religieux reprirent la
construction de l’abbatiale qui s’acheva deux ans à peine avant que la
communauté ne s’agrège à l’Institut des Frères des Ecoles chrétiennes de
Saint Jean-Baptiste de La Salle. C’était en 1938. Quelques rares frères
de Montebourg étaient encore présents à l’Abbaye après la guerre.
Pendant
l’Occupation, les Allemands s’installèrent dans une partie des
bâtiments, et la cohabitation entre les soldats et les frères et leurs
pensionnaires ne fut ni de tout repos, ni sans risques...