« La viande, dit Jacques Lemarié sur un ton qui ne souffre aucune nuance, c'est uniquement du Normand. Et, ajoute-il, les animaux proviennent de chez les agriculteurs du coin : Saint-Floxel, Joganville, Emondeville, Saint-Jacques-de-Néhou ». Ce que confirme une cliente, une fermière à la retraite, de Crasville : « La dernière bête qu'on vous a livrée, c'était une belle génisse. » Dans la boutique qui fleure bon la charcuterie traditionnelle, s'alignent les plaques de concours gagnées par les animaux dont les clients ont savouré la viande un jour ou l'autre ces dernières années. « J'ai mes vendeurs aux concours d'animaux gras (bêtes de viande) aux Rameaux ou à Noël, à Montebourg, mais aussi à Cherbourg ou encore à La Haye-du-Puits. » Les plaques s'alignent en couleurs bleues, rouges ou vertes comme autant de trophées qui soulignent la qualité de la Normande en général, et celle de la maison Lemarié en particulier. « Nous sommes sept au laboratoire et à la boutique, trois ouvriers avec moi et trois apprentis. Dont deux qui ont été reçus au CAP cette année. » Le maître de stage est plutôt fier, et surtout heureux pour les jeunes.
Le persillé, la marque d'or
Célébrer la viande de bovin normand, c'est d'abord, pour Jacques Lemarié, souligner que cette viande n'a pas son pareil en goût et en finesse à cause du gras qui s'y mêle intérieurement, ce mélange gras maigre qu'on appelle le « persillé ». Le persillé est, au stade du classement des carcasses, le meilleur indicateur de la qualité gustative du boeuf. C'est la marque de la viande normande. Et comme une viande bien persillée est généralement plus tendre, plus juteuse et plus savoureuse, la viande normande est au top.
Jacques Lemarié conseille aux amateurs les pièces, aux dénominations aussi savoureuses que leur goût, dans lesquelles le caractère « persillé » est le plus net : la « poire » (une pièce particulièrement tendre dans le muscle de la cuisse), le « merlan » (un muscle entre cuisse et jambe, à griller), la « hampe » (morceau du ventre du côté de la cuisse), l'« onglet » (morceau pour bifteck), et bien sûr la « bavette » (clin d'?il pour les amateurs de bavette à l'échalote). C'est aussi le persillé qui donne au pot-au-feu ou au b?uf à braiser sa sauce riche : « Il faut que je la voie dans mon assiette » affirme notre boucher. En guise d'illustration, il montre à l'envi un magnifique carré de b?uf. La preuve. Reste à goûter.
Un conseil pour la cuisson : « saisi, dit Jacques Lemarié, saignant, pour garder la saveur. C'est comme ça que c'est le plus goûtu. » « Goûtu », ça aussi, c'est normand !