Époque contemporaine (XIXe-XXIe siècle)

Du Roi à la République ( 1830-1870)                             

 
1830 : les Montebourgeois saluent le roi Charles X qui part en exil après la Révolution de Juillet.

1844 : Cette année est celle de la naissance du futur Mgr Le Nordez, évêque de Dijon, malheureux prétexte à la Séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1904-1905, mais une des gloires du pays cassin, encore aujourd’hui. C’est aussi l’année où des religieux enseignants, qui se sont constitués sur le modèle des religieuses de Marie-Madeleine Postel à Saint-Sauveur-le-Vicomte, reprennent les lieux dévastés de l’abbaye. Ces Frères de la Miséricorde vont y bâtir un établissement scolaire réputé et leur excellente connaissance de l’élevage va faire de l’abbaye de Montebourg le véritable berceau de la race bovine normande grâce aux qualités exceptionnelles d’un taureau à la prestigieuse descendance, “Enjôleur”. Les “frères aux vaches” renouent ainsi avec la tradition des moines bénédictins du temps des ducs de Normandie. ils reconstruiront l’abbatiale à partir de 1892. C’est cette même année qu’Alexis de Tocqueville, membre de l’Académie Française, auteur de La Démocratie en Amérique, député de la Manche depuis 1839, conseiller général de Montebourg depuis 1842, rend son rapport sur le chemin de fer Paris-Cherbourg et s’engage fortement pour le projet.
 
1848 : La Révolution a chassé le roi Louis-Philippe. Montebourg plante l’arbre de la Liberté. Les membres de la garde nationale locale armés de piques aux flammes tricolores, accompagnés du bataillon de Fontenay, de la compagnie d’artillerie de Valognes, de la compagnie de pompiers de Montebourg, d’une musique faisait carré d’honneur au curé, au maire et aux personnalités du canton pendant que des salves de canon ponctuaient la solennité du moment. Le curé bénit l’arbre, “emblème de nos libertés”, rappelant que “la Religion du Christ voit du même œil les Républiques et les Monarchies,…et que “Liberté, Egalité et Fraternité sont les grands principes que notre divin Sauveur, le premier de tous, est venu apporter dans le monde”. “L’Eglise, conclut le curé, s’associe à tous ceux qui ont pour devise les droits sacrés de l’ordre, de la justice et de la liberté”.
 
1848-1852 : Après la Révolution de février, Alexis de Tocqueville, travaille à la rédaction de la nouvelle Constitution qui est promulguée en novembre et qui prévoit l’élection du Président au suffrage universel. En décembre, Tocqueville, en faveur de la République sans ambiguïté, soutient le général Eugène Cavaignac. Celui-ci obtient 1,4 million de voix, contre 5,4 millions à Louis-Napoléon Bonaparte, et 8 000 à Lamartine! De juin à octobre 1849 , Tocqueville devient Ministre des Affaires étrangères et il est élu président du Conseil général de la Manche. Lors du coup d’Etat du Prince-Président Louis-Napoléon Bonaparte, le 2 décembre 1851, Tocqueville fait partie des 300 députés qui décrètent que «Louis-Napoléon Bonaparte est déchu de ses fonctions de Président de la République» et que «les citoyens sont tenus de lui refuser obéissance.» Les députés de la Manche, François-Hervé de Saint-Germain, Henri-Charles, comte Du Parc, maire de Réville, Alphonse Ferré des Ferris, maire du Teilleul, et même le comte Napoléon Daru, fils du célèbre intendant général de la Grande Armée, pair de France de 1833 à la Révolution de 1848, et député de la Manche depuis 1849, qui habitait le château de Chiffrevast à Tamerville, ont signé avec Tocqueville le décret de déchéance du prince-président, et sont mis en prison avec lui. Victor Hugo fait le récit de ces événements dans L’Histoire d’un crime. «M. de Tocqueville, écrit-il, qui était malade, jeta son mateau sur le carreau et dans l’embrasure d’une fenêtre, s’y coucha. Il resta ainsi étendu à terre plusieurs heures.» Louis-Napoléon Bonaparte lui fit présenter ses excuses le 5 décembre, excuses que Tocqueville n’accepta pas. Le 21 novembre 185I, les électeurs approuvent massivement le coup d’Etat. 80% de oui dans le canton de Montebourg. Aux électeurs de Montebourg, il fait savoir qu’il se retire. Il ne se présentera pas aux élections cantonales de juillet 1852, estimant que les Conseils généraux avaient perdu toute indépendance.
 
1858 : Montebourg rate son entrée dans l’ère contemporaine: le chemin de fer inauguré par Napoléon III passe au large. Le maire, qui s’appelait Lemor (tout un programme!) n’en a pas voulu. C’est dans ces années que le cimetière est transféré de la Place Saint-Jacques vers le Grand Clos, “par mesure sanitaire”. Depuis, selon le mot de Mgr La Nordez, “l’église Saint-Jacques va pieds nus”.
 
1870 : 8 mai 1870, Montebourg plébiscite l’Empire: Napoléon III fait recette à Montebourg par 382 oui contre 93 non et 25 bulletins blancs ou nuls, soit l’Empire plébiscité à 76% des votants (93% pour l’ensemble du canton). Reste que l’usure s’est fait sentir en 18 années de règne du neveu de Napoléon. En 1851, le 2 décembre, les Montebourgeois étaient à 94% derrière le prince-président accomplissant son coup d’Etat (470 oui), et l’année suivante, ils étaient même un peu plus à le vouloir comme Empereur (495, soit 94,3% de oui voulant le rétablissement de l’Empire français avec Bonaparte couronné). Pourtant, après la chute de l’Empire, c’est le prince de Joinville, un des fils de Louis-Philippe, pour lequel les Montebourgeois votent massivement comme député de la Manche, sans aucun regret. Le rêve de Monarchie modérée, alliant la dynastie des Bourbons aux principes acquis de la révolution échoue en 1873: la restauration estimée impossible renvoie les électeurs vers une République qu’ils espèrent conservatrice. C’est en 1877 que les Montebourgeois basculent du côté de la République par 280 voix contre 178 au candidat bonapartiste, Le Marois, qui sera quand même élu grâce aux communes rurales et au canton de Bricquebec.
 
De l’opulence à la ruine (1870-1944)                                            

1883 : Les vieilles halles médiévales sont détruites. On reconstruit une vaste halle dans le goût du temps, utilisant la fonte, le bois et le zinc.
 
1886 : Après de très longues discussions, le train de Barfleur à la grande ligne a son débouché économique à Montebourg-Le Ham via Montebourg-ville. La gare de la ville est dans le haut du bourg, près du Calvaire, et elle est particulièrement active aux jours de Chandeleur, de foire de la Mi-Carême, à la saison des choux-fleurs ou des pommes. En 1896, pour le sacre épiscopal de Mgr Le Nordez dans l’église de Montebourg, elle est prise d’assaut. La gare est aussi un des éléments qui contrbuent à l’exode rural, le bourg baissant jusqu’à 1 200 habitants vers 1920, la moitié de la population de 1789 !
 
1892 : les premières pierres de la nouvelle abbatiale sont posées.
 
1899 : inauguration de la statue de Jeanne d’Arc offerte par Mgr Le Nordez à la suite d’une promesse faite par l’évêque aux Montebourgeois le jour de son sacre, le 9 août 1896 dans l’église Saint-Jacques.
 
1901 : L’hospice est entièrement rénové et augmenté. La mairie nouvelle est inaugurée, Place du petit Marché, en même temps qu’arrive l’électricité. Avec les Halles, reconstruites en 1883 en style Baltard (avec structure de fonte et de fer), et la statue de Jeanne d’Arc à cheval, inaugurée deux ans plus tôt, Montebourg prend l’allure d’un bourg cossu tel qu’on le conçoit dans le goût de ce XIXème siècle finissant.
 
1901-1903 : Les lois sur les Congrégations obligent les religieux à demander la reconnaissance de leur Institut qui leur est refusée par le Gouvernement. On est en pleines luttes anti-cléricales. Les frères sont expulsés en 1903 après une journée houleuse où la troupe intervient sous les huées de la foule. Un jeune d’Eroudeville, Edme Le Saché, est arrêté et ovationné comme un héros par les manifestants. La communauté s’éparpille, certains frères vivant de véritables drames humains. Ils ont été obligés de quitter leurs écoles dans lesquelles ils enseignaient parfois depuis plus de vingt ans. Quelques-uns se regroupent en exil en Belgique, autour du Supérieur général, le frère Augustin, avec quelques jeunes novices.
 
1922 : L’année du retour des Frères est aussi celle de la mort de Mgr Le Nordez et de l’inauguration du Poilu qui fixe dans le bronze une attitude que l’évêque campa devant le sculpteur, Descatoire, pour son soldat de 14-18. C’est aussi l’année où – trait de génie – le conseil municipal et son maire, le Docteur Le Cacheux, vont donner une dimension nationale et internationale à la Chandeleur. Ils vont créer un concours de taureaux pour encourager la sélection travaillée de longue date autour de Montebourg, en particulier dans le Val-de-saire. C’est l’âge d’or de la race normande qui conquiert l’espace rural français et dont Montebourg est la vitrine. En 1927, le Consul des Etats-Unis et celui d’Uruguay sont reçus officiellement à la Chandeleur. L’année suivante, c’est le consul du Brésil qui vient admirer les performances de la race normande. Les jours Chandeleur, des milliers de bovins envahissent le bourg: un spectacle qui durera jusqu’aux années 1960, la Chandeleur déclinant dans les années 70 avec 300 bovins au lieu des 5 000 des années 50. Mais elle réussit sa transformation en foire commerciale d’hiver depuis la fin des années 80.
 
1936 : Montebourg reste à l’écart du Front Populaire malgré une industrialisation importante: fours à chaux du Ham, laiterie de Montebourg et du Cotentin…
 
1944 : La bataille de Montebourg après de Débarquement du 6 juin ruine complètement le bourg. Des familles entières restent une dizaine de jours terrées dans les caves sous les maisons incendiées ou à l’hospice pris dans les combats. Il y a 68 victimes parmi la population.

Le temps de la reconstruction (1952-2000)                                  

1952 : La reconstruction bat son plein mais les Montebourgeois vivent encore pour la plupart dans des baraques. Les dernières disparaîtront seulement en 1978, au Grand Clos. L’église, ouverte à nouveau au culte, est comme le symbole de la résurrection de la ville. Une ère d’expansion s’ouvre. Des cités ou résidences augmentent considérablement l’espace serré de la vieille ville, entre les années 50 et l’an 2000: celles des rues Coty et Kennedy, la résidence des Remparts, de l’Etoile près de l’abbaye, du Grand Clos, la résidence de Walheim, celle de l’Europe et celle du pont des Masses.
 
1960 : Les fêtes du couronnement de la statue de Notre-Dame de l’Etoile à l’Abbaye, le 1er mai, rassemblent à Montebourg des Frères des Ecoles chrétiennes venus en délégation du monde entier. La même année, en juillet, le général De Gaulle, président de la République depuis 1958, s’arrête à Montebourg, Place Albert-Pèlerin, accueilli par le maire, le Dr Raymond Eliard, serre des mains et salue la foule en levant les bras en formant le V de la Victoire.
 
1958-1969 : La fidélité au Général De Gaulle s’impose et s’use. Au référendum du 28 octobre 1958 sur la nouvelle constitution voulue par le Général De Gaulle, 896 Montebourgeois disent oui au général, soit 96% des exprimés. En avril 1962, pour ratifier les accords d’Evian destinés à conclure le conflit algérien, ils approuvent à 93,8%. Mais la fidélité s’effrite: 67,3% pour le Général De Gaulle aux présidentielles de 1965, 642 voix contre 312 à François Mittterrand. Et au référendum du 27 avril 1969 qui a vu le non l’emporter en France et qui a entraîné le départ du Général De Gaulle, Montebourg a approuvé modestement, par 485 oui contre 426 non, soit à 53,7% des suffrages exprimés. Parallèlement, dans cette même période, le candidat gaulliste aux législatives, Pierre Godefroy, s’est bâti une véritable légitimité cassine, même si ce destin n’était pas évident lors des législatives de novembre 1958. Pierre Godefroy était alors opposé, entre autres concurrents, à Henri Lecacheux, montebourgeois d’origine et maire de Saint-Cyr-Bocage, qui se présentait sous l’étiquette indépendant (on dirait aujourd’hui divers droite), de même sensibilité que son oncle, le Dr Joseph Lecacheux, décédé en 1952, et qui fut député puis sénateur de la Manche. Elu dès le premier tour sur la circonscription de Valognes, Pierre Godefroy, journaliste agricole bien implanté dans le monde rural, ancien élève de l’abbaye de Montebourg, arrive pourtant loin derrière Henri Lecacheux à Montebourg (69 voix contre 499). Mais aux élections suivantes, novembre 1962, mars 1967, juin 1968, il ne cesse de progresser en voix à Montebourg: 427 en 1962 (soit 46,7%), contre 190 à Henri Lecacheux et 264 à Jean Pottier, SFIO, adjoint au maire de Montebourg; 543 en 1967 (58,3%); 666 en 1968 (73,1%).
 
1963 : Le Centre d’aide par le travail pour handicapés est créé, avec l’aide du Secours Catholique et des bâtisseurs d’Emmaüs de l’abbé Pierre. L’œuvre n’est pas banale. Le centre ne cessera de se développer jusqu’à accueillir une centaine de résidents qui travaillent en ateliers.
 
1979 : Le commune se dote d’une zone artisanale, avec l’espoir d’enrayer les pertes dues à la fermeture ou aux menaces de fermeture des grosses entreprises du canton (Tirapu bâtiment, les Ciments Français, la Laiterie coopérative de Montebourg au Ham).
 
1986 : Après deux siècles de traversée de Montebourg, la route Paris-Cherbourg passe à nouveau au large du bourg. On s’interroge sur ses effets économiques. Montebourg est en chantier: la Maison de Retraite se reconstruit entièrement. Un Foyer-Résidence pour personnes âgées est bâti rue de l’Abbaye. On lui donne le nom du Docteur Eliard, ancien maire. Le collège est tout neuf et inauguré avec, comme parrain, Charles-François Tiphaigne de la Roche, philosophe du XVIIIème siècle, né et mort à Montebourg, précurseur de la photographie. Image de l’avenir, image souriante s’il en est, ce collège, avec l’Abbaye et les écoles maternelles et élémentaires publiques et privées anime le quotidien de Montebourg de la présence de quelque 1 200 élèves, bambins, collégiens et étudiants.

Aujourd’hui                                                                                     

2008 : de recensement en recensement, entre 1990 et 2006, Montebourg, comme la plupart des bourgs et des villes de la Manche, perd des habitants: 2 052 en 1990, 2 022 en 1999, 2 016 en 2006. A cela s’ajoute un vieillissement de la population, malgré une politique régulière de création de lotissements et de résidences, dont l’implantation “grignote” les terres agricoles explotées par les éleveurs de Montebourg. C’est d’ailleurs un trait caractéristique de l’évolution que la perte du caractère rural de Montebourg à la fois par la disparition de ses 11 foires dans les années 1960-1990, et par la diminution constante du nombre d’exploitation agricoles sur la commune: 21 en 1970; 16 en 1988; 7 en 2000; 5 en 2005 ; 4 en 2008. La population est composée majoritairement d’employés et d’ouvriers aux revenus modestes, inférieurs à la moyenne bas-normande, pourtant peu élevée en compraison avec la moyenne française. Il en est de même pour les retraités. Cette situation explique peut-être le refus de l’Europe exprimé par les électeurs montebourgeois en 1985, et le passage au vote de gauche majoritaire lors de l’élection présidentielle de 2007 (52,3% pour Ségolène Royal) et aux législatives qui ont suivi (54,6% à la candidate PS contre le député sortant UMP). Ce qu’on pourrait appeler des “années grises” se manifeste toutefois par une résistance des commerces, encore nombreux et surtout diversifiés (ainsi que des services) et des entreprises artisanales avec des projets de développement et d’implantations nouvelles sur la zone d’activités du Haut Gelé en 2008-2009. Dans le domaine touristique, malgré un bon équipement commercial, des monuments historiques, un lien avec les sites du Débarquement allié de 1944 et de la Bataille de Normandie, un environnement naturel propice aux randonnées pédestres et équestres, la proximité de la mer et des équipements nautiques de Quinéville, et des possibilités importantes d’hébergement(à l’Abbaye notamment), Montebourg souffre d’un déficit d’image qu’il ne parvient pas à surmonter, malgré ses atouts.